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Bénin : De la question du financement de l’agriculture

Louis Agbokou

La terre ne ment pas dit-on, mais ce que les gens oublient de dire aux jeunes, c’est que les résultats escomptés sont obtenus à long terme. « Ce n’est pas facile mais on peut y arriver », disait Neuly Béhanzin dans un reportage de Agribusiness TV (https://www.youtube.com/watch?v=o00ZuljDnpE). Les défis du monde agricole sont nombreux et le financement adapté occupe une place de choix.

Le financement de l’agriculture en question !

Je suis actuellement en train de faire une étude de la situation de référence des entrepreneurs sociaux en République du Bénin. Bien que l’étude ne soit pas encore à terme, je constate déjà que le défi commun à tous les entrepreneurs rencontrés est l’inexistence d’un financement adapté. Sans fonds de roulement, il est difficile de faire face aux besoins en infrastructure, pour ne citer qu’un example. Les institutions de micro-finance ne sont pas adaptées aux exigences de l’entreprise agricole.

Des conditions d’accès difficiles au financement agricole

La plupart des institutions de financement sur la place offrent des crédits réservés aux activités commerciales avec un taux d’intérêt élevé et mal approprié à l’agriculture. Un autre élément de blocage à l’accès aux crédits des jeunes est le fait que ces institutions exigent des garanties avant l’octroi des crédits. Ces garanties sont pour la plupart des conventions d’achat de parcelle, alors que les jeunes qui sollicitent ces prêts ont un faible pouvoir financier et sont donc incapables d’accéder à ces crédits.

Les meilleurs financements de l’agriculture, tels que j’observe, sont fournis par les projets et programmes agricoles.  A ce niveau, il faut reconnaître que les projets mis en œuvre dans le domaine agricole apportent un appui adapté aux producteurs. Cependant, deux observations sont à relever à ce sujet :

  1. le caractère temporel de tout projet

Un projet est élaboré pour une durée bien précise et en principe pour apporter une solution ponctuelle à un problème préalablement identifié. Le caractère temporel des projets ne garantit pas la durabilité de l’appui financier au profit des jeunes entrepreneurs.

  1. le défaut d’impartialité dans le choix des bénéficiaires directs du projet

Le choix des bénéficiaires directs des projets n’a pas toujours été impartial. Certains bénéficiaires potentiels n’accèdent pas au crédit parce qu’ils ne connaissent pas telle personne ou telle autre. Ou bien parce qu’ils ne peuvent pas intéresser, d’une façon ou d’une autre, la personne impliquée dans la sélection des bénéficiaires.

Deux propositions pour un financement adéquat de l’agriculture

A mon sens, deux éléments sont capitaux pour implémenter un financement agricole adéquat : il s’agit, d’une part, du réseautage des acteurs des chaines de valeurs agricoles et, d’autre part, de l’institutionnalisation du financement agricole.

Le réseautage ou networking

C‘est la solution clé à tous les défis du développement de l’agriculture. Le networking des acteurs des chaines de valeurs agricoles va permettre de remédier au manque d’information, va faciliter le partage d’expériences, régler les problèmes d’indisponibilité d’intrants et de marché d’écoulement. Le réseautage permettra également de disposer d’interlocuteurs fiables et représentatifs des acteurs des différentes chaines de valeurs agricoles.

A ce sujet, je coordonne actuellement au Bénin un projet intitulé Mapping the Ecosystem of social entrepreneurs in the food security sector qui est financé par SocietyWork (www.societyworks.nl) une entreprise sociale néerlandaise, en étroite collaboration avec Food & Business Knowledge Platform (http://knowledge4food.net/).  Ce projet ambitionne de mettre en réseau les entrepreneurs sociaux engagés dans la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans sept pays en développement que sont Bénin, Ghana, Ethiopie, Kenya, Soudan du Sud, Bangladesh et Indonésie. Le réseautage renforce les acteurs et les prépare à affronter n’importe quel défi.

L’institutionnalisation du financement agricole

La création d’une banque agricole ou d’un fonds de développement agricole spécialisé pour l’accompagnement des entrepreneurs agricoles est d’une grande importance pour l’octroi d’un financement adapté aux risques et aux exigences des activités agricoles. Au Bénin, l’annonce de la banque agricole est encore vive dans les esprits et les différents acteurs attendent avec impatience la concrétisation de cette opportunité qui ne fera que booster le secteur agricole. Une autre opportunité qui a beaucoup évolué est le Fonds National du Développement Agricole (FNDA), une institution publique du Bénin dédiée au financement de l’agriculture. Les activités du FNDA n’ont pas véritablement démarré. Nous espérons que très bientôt ce sera une réalité. Institutionnaliser le financement agricole sera d’un grand atout pour le développement agricole des pays en développement.

Pour ma part, ces deux propositions sont d’une importante certaine pour amorcer le développement de l’agriculture au Bénin et dans les autres pays ACP.

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